Dès le début Hermès et moi nous sommes bien entendus, il me suivait partout dans le pré, tout le temps.
Je ne percutais pas vraiment qu’il était « mon poulain », disons que je m’en occupais comme ci c’était le cheval d’une amie. Je l’aimais bien, mais sans plus.
J’ai commencé par lui apprendre les choses basiques, puis rapidement j’ai monté d’un cran voyant qu’Hermès était réceptif et toujours volontaire.
La bâche, le parapluie, sortir en main, mettre le surfaix… Il ne semblait jamais être surpris et acceptait toujours tout.
La seule difficulté concernait la prise des pieds, j’avais beau insister et essayer toutes les techniques possibles, rien ne fonctionnait.

En Février 2019 (4 mois après son arrivée), j’ai participé au challenge Equifeel Partage, les choses « sérieuses » commençaient.
Il comprenait toujours aussi vite, mais je voyais qu’il perdait en motivation. J’essayais donc de faire d’avantage de balades. Nous commencions à sortir sans autre cheval, mais un jour, je suis partie seule avec Hermès et Louve (d’ordinaire, ma mère m’accompagnait toujours pour encadrer un peu) et ça ne s’est pas bien passé.
Surveiller Louve, tenir Hermès + le type qui lave son portail au kascher + un chien qui nous saute dessus + des oies derrière un grillage +..+…+…..+ Bref, Hermès montait en pression (même s’il est resté tout à fait gérable!) et je ne l’avais jamais vu comme ça.
La petite peur du premier jour était soudain bien présente « Et si je lâche mon poulain ? Qu’est ce qu’il va se passer ? ».
Gros moment de stresse pour tout le monde, heureusement, ma copine S. est venue à la rescousse avec son papa, pour rentrer avec moi et récupérer Louve.
C’était au mois de Février, j’ai complètement arrêté les sorties à partir de ce moment là. Je ne voulais plus sortir du pré avec lui.
J’ai donc travaillé à pieds dans le pré, je faisais un peu de tout, je travaillais mes challenges Equifeel Partage.

Je suis ressortie avec ma mère au bout de quelques temps et ça se passait relativement bien à chaque fois.
En Avril, j’ai déménagé (au revoir maison familiale !), donc Hermès a quitté le pré des Daltons et ai venu près de mon nouveau chez moi.
Pension pré avec des copains.
Je n’osais plus du tout sortir, sachant que je ne connaissais pas les environs et qu’il n’y avait plus personne pour m’accompagner.
J’ai donc continué de le travailler à pieds.

Hermès grandissait, s’affirmait et découvrait un peu ce que c’était que la vie « de grand ».
Nos séances à pieds étaient de plus en plus chaotiques, rien ne le motivait. J’ai décidé de me lancer et de repartir en balade.
À partir de là, nous partions en balade tous les soirs lorsque je rentrais du boulot. 10 min, puis 15 min, puis une demie heure…
Je profitais de ces balades pour lui montrer des choses nouvelles ainsi que pour lui faire faire des exercices de musculation au pas afin de commencer à travailler son petit corps de grand bébé.
Je passais beaucoup de temps avec lui le soir et je commençais à souvent penser à lui dans la journée.
Le seul hic dans tout ça, c’était le travail à pieds, Hermès « n’aimait » pas ça, il n’était pas motivé et ne prenait aucun plaisir à faire ce que je lui demandais.
Il commençait même à me pincer lorsque j’insistais trop, nous étions en désaccord permanent quand il s’agissait de boulot à pieds.
Remise en question
J’ai commencé à me pencher plus sérieusement sur la question de « motiver réellement » Hermès. Hors de question pour moi de laisser tomber le travail à pieds ou de continuer sur cette route avec Hermès.
J’ai commencé à chercher sur le net et je suis tombée sur les Horsenalities de Parelli. Une fois le test effectué, il s’avère qu’Hermès est LBE (Left Brain Extrovert – Cerveau gauche Extraverti).

D’après le site Montmurat, les choses à faire avec un LBE sont :
« – Leur apprendre des choses nouvelles au moins une fois par semaine.
– Les séances doivent être actives, intéressantes, avec beaucoup de jeu. Il faut beaucoup d’imagination avec eux.
– Espiègle, joueur, curieux, il faut beaucoup l’occuper. Ce cheval adore apprendre des tours, découvrir des nouveautés.
– Il lui faut beaucoup d’espace pour bouger. En travail à pied, utiliser des longes très longues.
– Il faut beaucoup le féliciter : récompenses, caresses, sourire et rire. Le fait que vous le trouviez amusant est très gratifiant pour lui.”
Et les choses à éviter :
«L’ennuyer avec des répétitions sans fin. Quand il sait faire quelque chose, passer à autre chose. Vous pourrez toujours revenir plus tard sur un acquis pour le fignoler petit à petit.
– La monte tranquille n’est pas vraiment le rêve de ce cheval-là. Il veut bouger, être actif. Sortez le beaucoup en extérieur.
– Ne pas le travailler à pied avec des longes trop courtes.
– Évitez de le punir. Il ne sait pas qu’il n’est pas sage. Il veut juste s’amuser. Les punitions pourraient le rendre agressif, lui faire peur, le réprimer pourrait l’éteindre.”
Je ne suis pas vraiment pour “mettre les chevaux dans une case” (ni les gens d’ailleurs !), néanmoins, cette première « analyse » m’a semblé assez en accord avec ce que j’observais chez Hermès.
Cela m’a aussi permis de voir que la récompense était importante pour les chevaux LBE.

Je ne souhaitais pas du tout travailler à la nourriture avec Hermès, n’ayant jamais été très fan de cette méthode, je ne l’ai utilisé que très ponctuellement auparavant (pour apprendre la révérence par exemple). Je donnais une récompense alimentaire uniquement en fin de séance, pour récompenser la séance en général (tout travail mérite salaire!), mais jamais pendant la séance. J’avais à peu près tous les à priori qu’on peut trouver sur la nourriture : cheval irrespectueux, qui mord, qui ne travaille que pour la nourriture, où l’humaine est un « distributeur » de bonbons…
Il fallait un peu de temps pour que l’idée fasse une place dans ma tête…
Le début du changement
Au mois de Juin, après mon voyage en Islande, j’ai commencé à me renseigner sur les méthodes dites « positives » qui impliquaient l’utilisation de la nourriture dans le travail mais aussi dans les soins.
J’ai trouvé beaucoup de vidéos où des chiens, des chevaux, des chats, des fauves et des reptiles étaient « dressés » grâce à la nourriture et acceptaient les soins sans souci ni contention.
Premier constat : on peut dresser n’importe quel animal avec cette technique (même des serpents!)
Deuxième constat : aucun animal (toute espèce confondue) ne réclame de la nourriture.
QUOI ? On m’aurait menti ?? ahah
« Océane se creuse la tête »

Ces constats m’ont plus qu’interpellée. Comment peut-on dresser des animaux aussi différents avec une seule méthode qui plus est, en un temps record ?
J’ai cherché et trouvé des études qui mettaient en avant la récompense alimentaire afin de répondre à une motivation universelle : manger (oui pas bête quand on y pense). Il s’agit alors de répondre à un besoin primaire (d’après la pyramide de Maslow : Respirer-manger-boire-éliminer-dormir-se reproduire) pour motiver l’animal à répondre à nos demandes.
Les animaux ne réclament pas la nourriture, car au même titre que tous les apprentissages, cela a été travaillé en amont, la nourriture a été « banalisée » et utilisée à bon escient.
Après avoir eu des explications sur mes deux « découvertes », force est de constater que « j’étais d’accord et convaincue » par ces arguments.
Il ne me restait plus qu’à me renseigner sur le travail dit « au renforcement positif » et à me lancer.
Le début de mon apprentissage
Il fallait que je ré-apprenne tout depuis le début, sachant que je n’avais jamais travaillé ainsi avant avec aucun de mes animaux. J’ai commencé par regarder sur Youtube plus en détail les vidéos que je survolaient avant. Puis j’ai orienté mes recherches sur les chiens et enfin sur les chevaux.
Par dessus ça, j’ai beaucoup discuté sur Instagram avec des personnes susceptibles de pouvoir répondre à mes nombreuses questions.
Et puis un jour début juillet, l’air de rien, je suis allée voir Hermès au pré. J’avais trouvé que si je le grattais, je pouvais presque lui prendre les pieds correctement. J’appliquais le principe de « punition négative » (donner un confort et le retirer si le cheval ne donne pas la bonne réponse) : je le grattais, lui prenais le pied en même temps et s’il refusait de me le donner, j’arrêtais de le gratter.
Ensuite je l’ai pansé en liberté, puis je lui ai donné un bout de carotte. J’ai ensuite demandé des petites choses qu’il connaissait déjà comme reculer, tourner les hanches, garder l’immobilité…

Il était plus que motivé, ça faisait bien longtemps que je ne l’avais pas vu comme ça. J’ai même eu pour la première fois des rappels au trot, avec petits sauts de joie.
J’ai arrêté là et lui ai redonné un morceau de carotte. Cela a dû durer à peine 5 minutes, mais c’était vraiment super, Hermès respirait la joie de vivre !
Le principe de punition négative n’a marché que 2 fois avec les pieds, alors qu’avec cette technique j’avais réussi à supprimer le fait qu’il renverse son seau et tape dedans avec son antérieur. Il allait falloir trouver autre chose pour le convaincre de me donner ses pieds de poulain !
Après cette séance, j’ai continué de faire « comme d’habitude », à savoir travailler à pieds de temps en temps mais sans récompenser pendant la séance. D’autant qu’Hermès quémandait toujours sa carotte de fin de séance et que je ne voulais vraiment pas me risquer à « empirer » cette mauvaise habitude (ahah sotte que j’étais!).
J’ai poursuivi mes recherches néanmoins et j’ai commencé à me filmer systématiquement lorsque je travaillais à pieds. En plus d’avoir un poulain pas du tout motivé, j’avais aussi un gros souci de placement, de gestes confus et d’indications pas toujours très claires (je parlais beaucoup et m’agitais notamment).

Cela me décida à prendre un cours de travail à pieds pour que quelqu’un puisse me dire à l’instant T « là ça ne va pas, essaies plutôt comme ça » et aussi à essayer le clicker sur un cheval expérimenté.
Avant d’aller à mon cours de TAP, j’ai lu entièrement le livre d’Hélène Roche « Motiver son cheval » et j’ai pris de nombreuses notes.
{Je recommande d’ailleurs vivement ce livre à toutes les personnes désireuses d’en savoir plus sur le clicker car il est très bien écrit et abordable.}
Puis une fois que j’avais plus d’idées de « comment se lancer », j’ai essayé le clicker sur Louve.
Le résultat était sans appel, Louve était hyper motivée à trouver la bonne réponse et ne réclamait pas vraiment la nourriture. J’étais ravie et très fière d’avoir essayé !
Le 15 août 2019, je suis allée prendre mon cours de TAP avec J. et j’ai testé le clicker sur un cheval qui connaissait déjà le principe.
Finalement avec un cheval c’était comme avec un chien : facile et fun .

La deuxième partie du cours tournait autour du Savoir 1 & 2 de la méthode la Cense. Je dois dire que c’est là que j’ai décroché car il y a énormément de choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord.
(Mais c’est un autre sujet peut être que je l’aborderai dans un article..!)
Se jeter à l’eau !
J’avais selon moi, fais le maximum de choses pour m’informer sur le renforcement positif, il ne me restait plus qu’à essayer (et oui si on essaie pas, comment peut-on savoir si ça marche ou pas ?)
Le 19 août soit 4 jours après mon cours de TAP, je me lançais avec Hermès.
J’ai testé pour la première fois le clicker training en contact protégé (derrière une clôture) afin de pouvoir me retirer si Hermès devenait envahissant, voire agressif pour la bouffe (chose que je redoutais énormément).
Mais en gentil petit gars qu’il était, pas une once d’agressivité ne s’est faite ressentir et il a compris à une vitesse fulgurante ce que j’attendais de lui.
Je suis restée pendant plusieurs séances en contact protégé car je n’étais pas assez à l’aise pour être en contact direct.
Voilà un peu plus de 3 mois que je travaille au R+ (renforcement positif) avec Hermès et nos progrès sont constants et rapides. Je n’ai plus aucune phase de régression depuis que je travaille à la nourriture. Si un point est bloquant, je le débloque en moyenne en 3 séances.
Je ne peux que recommander cette méthode, car il faut bien le dire, elle fait des miracles !
(à conditions bien sûr de l’utiliser correctement).

Du clicker au bridge
Comme dit précédemment, l’un de mes gros défauts à pieds est de m’agiter et de beaucoup parler.
J’ai fait le choix de commencer le clicker pour apprendre à me cadrer. Pas de geste à faire ou de mot à dire, c’est un marqueur clair pour le cheval et non émotionnel (constant = même valeur).
J’ai d’ailleurs fais de nets progrès avec l’utilisation de cet outil. Mes gestes sont plus clairs, mes indications moins brouillonnes et je ne donne que de « bons » codes vocaux sans parasite.
Le seul souci c’est que le clicker occupe une main, hors j’aime avoir les deux mains libres et ne pas me sentir encombrée.
C’est donc assez naturellement que je suis passée au « bridge ».
Le bridge est un marqueur vocal ou un bruit qui le même rôle que le clicker : annoncer que la nourriture va arriver car on a donné la bonne réponse.
Cela peut être un « cloc » fait avec la langue, siffler, un mot…
Pour ma part j’ai choisi de dire « Tak » dans une sonorité assez aiguë. Tak veut dire « merci » en islandais, sachant que c’est en grande partie mon voyage en Islande qui m’a fait changer ma vision de choses et que c’est un mot court que je n’utilise jamais pour autre chose, j’ai trouvé que c’était une bonne idée. Et dire merci, sur le principe, je trouvais ça très chouette !

Petit point important avec le bridge ou tout autre marqueur, il faut qu’il soit unique et qu’il ne soit pas utilisé à tord et à travers. Son but est d’annoncer que c’est la bonne réponse et que quelque chose de bien va arriver en conséquence.
Si le marqueur perd en valeur, il sera moins clair pour le cheval (ou la licorne ou l’hippogriffe, bref le poilu qui travaille), d’où l’intérêt de choisir un code « unique en son genre » (par exemple, il vaut mieux éviter l’appel de langue classique car pour quasi l’entièreté des chevaux et des cavaliers, il veut dire « avance plus vite »).
Combiner R+ et R-
L ‘équitation classique se base principalement sur le renforcement négatif (R-) qui consiste à appliquer une pression et la retirer une fois que le cheval donne la bonne réponse.
En contradiction avec le renforcement positif (R+) où l’on récompense un comportement lorsqu’il survient pour le voir apparaître plus fréquemment.
Je n’estime pas que l’un est moins bien ou mieux que l’autre, je pense que suivant nos objectifs, il est intéressant d’utiliser les deux en les combinant. C’est d’ailleurs ce que j’applique à présent, même si j’essaie au maximum de privilégier le R+.
Le R- me permet notamment d’orienter Hermès sur la réponse que j’attends car en R+ le temps pour obtenir la bonne réponse est parfois long.
Typiquement dans la prise des pieds, je lui sers le paturon en disant « Donne » puis « Tak» quand il lève le pied, puis je récompense. La pression que j’exerce sur son paturon est bel et bien du R-, puisqu’il y a un potentiel inconfort. Néanmoins, cela permet à Hermès de comprendre immédiatement que je veux qu’il me donne son pied.
Je pense que dans cet aspect, le R- peut être tout à fait utile et le bonbon qui l’accompagne ensuite permet de fixer plus rapidement le comportement recherché.
Cette remise en question à certainement été l’une des plus importantes de ma vie de cavalière/personne qui côtoie les chevaux, mais aussi la plus riche en découvertes. Je souhaite à chaque homme/femme de cheval de se lancer dans le R+ et de suivre une route nouvelle avec ses poilus 🙂
Vraiment intéressant !
Y’a juste le mot « dresser » qui me fait tiquer, pour moi tu éduques plus que tu dresses ; oui c’est de la sémantique mais tu me connais, je suis chiante là-dessus :p c’est vraiment fait dans une optique d’évoluer ensemble sans en faire un robot donc c’est plus un partage avec ton poulain que du « dressage » (bon j’avoue, je déteste ce mot ^^).
C’est vrai que c’est dingue sa vitesse de progression depuis que tu as changé pour le R+, comme quoi tu as vraiment pris le temps de comprendre ton cheval et de l’écouter …
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[…] Pour moi elle a été une année où j’ai réellement renoué avec le monde du cheval (comme c’est plaisant!) et où j’ai fait l’une de mes plus grosses remises en question. […]
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